La République Démocratique du Congo (RDC) franchit une étape importante dans la lutte contre la criminalité économique. Le gouvernement a en effet adopté un projet de loi visant la création d'un Tribunal pénal Économique et Financier et d'un Parquet y rattaché. Cette nouvelle institution judiciaire est présentée comme un outil essentiel pour la répression de la criminalité économique.
Le fonctionnement et les potentialités de ces futures institutions ont été au cœur d'un séminaire organisé ce vendredi 20 juin 2025 par le Centre de Criminologie et de Pathologie Sociale (CCPS) de l'Université de Kinshasa.
Me Carlos Ngwapitshi Ngwamashi, juriste et criminologue, a été l'intervenant principal de cet événement. Il a mis en lumière les atouts, mais aussi les faiblesses du projet de loi.
Un point majeur de préoccupation soulevé par Me Ngwapitshi concerne l'exclusion des personnes bénéficiant d'immunités et privilèges des poursuites, conformément aux articles 107, 153, 163 et 164 de la Constitution.
« L'exclusion de ces personnes, censées gérer la chose publique et susceptibles de détourner les deniers publics, vide l'opportunité de ce tribunal », a-t-il déploré. Selon lui, la RDC devrait adapter ses dispositions aux réalités du terrain pour que ce tribunal soit réellement efficace.
Me Ngwapitshi a également critiqué le projet de loi dans sa forme actuelle, estimant qu'il ne ferait que « dupliquer le code pénal qui existe déjà, avec toutes ses insuffisances, avec toutes ses irrégularités ». Il a affirmé que si le Tribunal est mis en place sous cette forme, il ne faut pas s'attendre à un changement significatif dans la répression de la criminalité économique et financière.
Le code pénal actuel prévoit des peines allant jusqu'à 20 ans de travaux forcés, la confiscation spéciale et la restitution des biens. Cependant, Me Ngwapitshi a fait remarquer que, dans la pratique, « les fonds détournés ne sont jamais restitués après condamnation ».
Pour pallier cette lacune, il propose l'introduction de mécanismes de médiation comme alternative à la justice pénale. L'objectif principal serait de permettre à l'État de récupérer les fonds détournés.
« Il est nécessaire que l'on puisse adopter le système de chambres de médiation qui vont jouer un rôle important », a-t-il expliqué. Il envisage un processus où, une fois les faits établis par le Procureur, l'inculpé et la victime seraient mis en présence d'un médiateur. Ce dernier faciliterait un arrangement ou une négociation pour la restitution des fonds.
Pour Me Ngwapitshi, la médiation représente une « solution rapide dans la résolution de la criminalité en col blanc ». Il s'est interrogé sur l'intérêt d'envoyer des individus en prison pour de longues peines sans que les fonds détournés ne soient restitués, soulignant que souvent, les peines sont réduites en appel et que les sommes importantes détournées ne sont jamais récupérées.
Au-delà de la médiation, Me Ngwapitshi, également avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe, a formulé d'autres propositions pour renforcer la lutte contre la criminalité économique. Il suggère :
Les propositions de Me Ngwapitshi soulèvent des questions fondamentales sur l'équilibre entre répression et restitution, ainsi que sur l'égalité devant la loi. Alors que la RDC s'apprête à doter son arsenal juridique d'un nouvel outil, le débat est ouvert : comment garantir que ce Tribunal pénal Économique et Financier ne soit pas une simple vitrine, mais une force motrice capable de briser l'impunité et de restaurer la confiance publique ?