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Unikin : Maître Emmanuel Kabengele, dixième diplômé de l'École de Criminologie, décrypte les failles de la réforme policière !

Fri Sep 05 2025

Unikin : Maître Emmanuel Kabengele, dixième diplômé de l'École de Criminologie, décrypte les failles de la réforme policière !

L'École de Criminologie de l’Université de Kinshasa a une fois de plus fait honneur à sa réputation, non pas en organisant une simple défense de mémoire, mais un véritable "festin intellectuel", un événement scientifique qui a captivé l'audience. Le récipiendaire, Maître Emmanuel Kabengele Kalonji, ancien séminariste, s’est distingué par une maîtrise éloquente de la langue de Molière, naviguant avec aisance entre rigueur académique et un humour subtil. Son travail, une dissertation de seulement trente pages, a suscité un débat passionné et instructif de plus de trois heures, confirmant que, dans cette institution, ce n'est pas la quantité qui prime, mais la qualité et la capacité de synthèse.

La réforme de la PNC, un paradoxe de l'aide extérieure

Au cœur de cette brillante défense se trouvait une question brûlante : pourquoi la réforme de la Police Nationale Congolaise (PNC), entamée il y a près de vingt ans, demeure-t-elle « inachevée » et « essoufflée » malgré le soutien continu des partenaires techniques et financiers (PTF) ?

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Maître Emmanuel Kabengele a analysé les perceptions de ces partenaires, révélant un paradoxe flagrant. "C'est qu'au Congo belge, le paradoxe est roi", a-t-il déclaré avec un clin d'œil, citant le Professeur Prince Kaumba Lufunda. Son étude, la première du genre, s’est appuyée sur une grille de lecture de Christian Debuyst et une approche épistémologique constructiviste, s'inscrivant ainsi dans l'interdisciplinarité qui fait la marque de fabrique de la criminologie moderne.

Le candidat a soutenu l’hypothèse audacieuse que le processus de réforme souffre d’un déficit d’endogénéité. Selon lui, le faible leadership gouvernemental rend le pays dépendant d'une pluralité d'acteurs internationaux aux stratégies diversifiées, ce qui mène à une substitution des acteurs nationaux et à un retour sur investissement insatisfaisant.

Le jury, composé de six éminents professeurs, a salué le courage de cette approche. "Le choix a été un peu risqué mais important," a reconnu le directeur de mémoire, le professeur Raoul Kienge-Kienge, un juriste qui a su se situer dans une approche interdisciplainaire.

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Une gouvernance fragile et des pratiques de substitution

La gouvernance de la réforme est jugée fragile, voire illusoire par le récipiendaire, une gouvernance « cosmétique » ou « décorative » dont le rôle est souvent limité à un protocole formel. Un des enquêtés de sa recherche a même souligné la responsabilité du gouvernement congolais : "La responsabilité revient donc au pays qui ne sait pas canaliser les partenaires." Les programmes d’aide, souvent calqués sur des modèles étrangers, ne sont pas « tropicalisés », manquant de prendre en compte les spécificités locales. Maître Kabengele a comparé cette situation à une "ineffectivité congénitale", un terme emprunté au Professeur Raoul Kienge-Kienge.

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Cette dépendance se manifeste par un financement quasi-nul de la part du gouvernement, qui est "obligé de sauter sur tout ce qu’on lui amène, même si cela ne cadre pas avec les priorités nationales". Cette dépendance extrême engendre des pratiques de substitution, où les partenaires étrangers supplantent les acteurs locaux dans l'exécution des projets, compromettant leur pérennité. L'exemple de l'Académie de Police (ACAPOL), construite avec des fonds de l'Union européenne mais aujourd'hui à l’abandon faute de viabilisation par l’État, illustre parfaitement "l'horizon mythique de la pérennisation" évoqué par Olivier de Sardan.

Une victoire pour la rigueur scientifique

L'intensité des débats a montré l'urgence de travaux scientifiques sur les questions sécuritaires en RDC. Un des apprenants de l’école de criminologie présent a témoigné de l'exigence du parcours :

"J'ai eu froid au dos... Le master en criminologie n'est pas un simple master, c'est un véritable troisième cycle de l'école doctorale…leçon du jour : soki olie otondi te (si tu manges et que tu n’es pas rassasié, n’oses pas t’aventurer à la prestigieuse école de criminologie". Un autre a ajouté : "Un moment rare, qui nous a permis de mieux comprendre les attentes de ce parcours et de nous préparer à ce qui nous attend."

À en croire les commentaires du jury, Maître Emmanuel Kabengele, en plus d'être un éminent criminologue, cache en lui une véritable force de caractère. En effet, le professeur MPIANA TSHITENGE, l’un des membres du jury, en le regardant droit dans les yeux, a déclaré avec un humour teinté de provocation : « Tu es vraiment Kalonji ». Cette remarque, qui fait allusion au nom tshiluba signifiant "le belliqueux", a provoqué un rire général dans l'auditoire. Elle venait souligner non seulement l'esprit combatif du candidat, mais aussi la qualité de son travail qui, à l'image du nom, n'a pas hésité à s'affirmer face aux théories établies. C'était une façon de dire, sur un ton à la fois taquin et admiratif : ton travail a du mordant, mon ami !

Après des délibérations à huis clos, Maître Emmanuel Kabengele a été honoré avec la mention Grande distinction, marquant un jalon important pour l'école et pour lui-même. Non seulement il est le dixième diplômé de cette institution, mais il est surtout le premier de la deuxième promotion, ouvrant la voie à une nouvelle génération de criminologues formés pour affronter les défis complexes de la sécurité nationale.

Son travail, en posant des jalons de réflexion, se veut un appel à l’action et à la vigilance pour construire une réforme réellement "congolisée", où le leadership national, la coordination et le contrôle démocratique prévaudront. Comme l'a dit Antoine de Saint-Exupéry, "la plus grave erreur... est de croire que l'on l'a achevée, alors que l'on a fait que poser des jalons sur une piste avec l'espoir que d'autres sauront aller plus loin". Maître Kabengele a posé ses jalons, et la communauté académique de Kinshasa est prête à suivre son exemple.

Joël NZAMPUNGU